Bea Parsons entre au Musée d’art de Joliette

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Par Agathe Lambert

 

En 2021, le Musée d’art de Joliette a acquis l’œuvre Four eyes distance between the trees de Bea Parsons. Cet ajout à la collection est d’une grande importance et c’est ce que nous allons explorer dans cet article.

D’origines crie, française et écossaise, Parsons explore son héritage à travers sa pratique artistique et réapprend peu à peu la langue crie. Four eyes distance between the trees s’inscrit dans l’exposition Peyak proposée par la galerie McBride Contemporain à Montréal en 2021, qui présentait une série de monotypes monochromes de Parsons. Peyak signifie « un » en langue crie, et réfère à la dimension unique de chaque œuvre, et à l’harmonie qui prend forme dans les créations de Parsons. Par ailleurs, Parsons travaillait sur sa série lorsque la pandémie s’est imposée dans nos quotidiens. L’artiste rapporte avoir constaté un changement dans les motifs qu’elle explorait dans ses œuvres. Après la pandémie et la réouverture de son studio d’impression, ses œuvres montraient davantage de groupes de personnes et de liens entre celles-ci.

Cette impression monotype sur papier est réalisée grâce à un procédé très ancien mais peu connu. L’artiste peint ou dessine sur une surface non-poreuse (comme du verre ou une plaque du métal), sans gravure, et imprime sur la surface d’un papier ou une feuille de son choix. Ainsi, elle reste connectée aux techniques et aux mouvements développés en peinture. Ce procédé permet la production en série, toutefois, Bea Parsons choisit de ne pas reproduire ses œuvres afin de conserver leur caractère unique. Librement, la trame narrative s’impose d’elle-même : « The storyteller in me comes a lot quicker when I’m working with this direct method »[1] Bea Parsons (2021).

Avec cette série, l’artiste forme un tout, dans lequel chaque motif s’inscrit parfaitement. Nous pouvons y observer des éléments naturels comme le soleil, les arbres, les montages et les vagues. C’est toutefois le motif de droite, composé d’un ensemble de deux personnages, qui attire l’œil de la spectatrice. Au-dessus, un personnage onirique se fond dans un ciel étoilé. Avec ses quatre yeux et sa proximité avec la voûte céleste, cette entité rappelle les ancêtres et lie la scène à une temporalité toute autre. Ce regard de côté du personnage, bien singulier, n’est pas sans rappeler la métaphore de la vision. Plus bas, une figure féminine plus jeune semble protégée par son aînée. La direction du bras et le regard à quatre yeux projettent un mouvement circulaire vers le reste de la scène, et créent une cohésion, un ensemble, un moment unique. De manière très organique, Bea Parsons offre à la spectatrice une représentation de motifs et de formes, qui créent un tout, où le regard est dirigé pour raconter une histoire. S’inscrivant dans le cadre de la récente production artistique en noir et blanc de l’artiste, cette œuvre laisse libre cours à notre imagination grâce au caractère mystérieux que les ombres et lumières procurent.

Mais en quoi cette acquisition est-elle particulièrement pertinente dans le développement de la collection du MAJ ?

Artiste émergente de la scène contemporaine canadienne, Bea Parsons est originaire de Saskatoon en Saskatchewan. Elle travaille aujourd’hui à Tiohtià:ke (Montréal). Sa présence dans la collection du Musée d’art de Joliette constitue un ajout essentiel pour la représentativité des artistes autochtones femmes dans les institutions muséales du Québec. Il s’agit de la première œuvre de l’artiste qui entre au MAJ. De plus, Parsons a étudié à New-York et Montréal, où elle vit depuis maintenant 2017. Elle a également enseigné à l’Université Concordia en peinture et en dessin. C’est pourquoi l’achat d’une œuvre comme celle de Bea Parsons vise à réellement encourager l’artiste qui marque actuellement son époque. De quoi rappeler les paroles que le chef métis Louis Riel aurait prononcées en 1885 : « mon peuple dormira pendant 100 ans, mais quand il se réveillera, ce seront les artistes qui lui rendront son esprit »[2].


[1] https://canadianart.ca/interviews/printing-and-the-pandemic/
  • Traduction libre : la conteuse en moi se révèle plus rapidement quand je travaille avec cette technique directe.
[2] https://www.refletdesociete.com/diffusion-des-arts-autochtones-la-resurgence/

Titulaire d’un baccalauréat en histoire de l’art de l’Université de Montréal, Agathe Lambert est stagiaire en communications au Musée d’art de Joliette, pour terminer son D.E.S.S. en Récits et médias autochtones (UdeM). Elle débute une maîtrise en muséologie à l’automne 2022 (UdeM et UQAM).


Références

https://www.refletdesociete.com/diffusion-des-arts-autochtones-la-resurgence/
https://www.ledevoir.com/culture/arts-visuels/546850/critique-resurgir-en-rose-et-avec-aplomb
https://canadianart.ca/interviews/printing-and-the-pandemic/
https://mcbridecontemporain.com/fr/artists/30-bea-parsons/
Rapport d’acquisition de l’œuvre par le MAJ

Image à la une :

Bea Parsons, Four eyes distance between the trees, Impression monotype sur papier Stonehedge, 2020.