Carl Trahan. Loin de tous les soleils

Commissaire : Anne-Marie St-Jean Aubre

Du 19 juin 2021 au 6 septembre 2021

À propos —

Les grands questionnements existentiels apparaissent comme l’assise des recherches actuelles de Carl Trahan, qui s’intéresse au langage, à la traduction et à la philosophie depuis plus de quinze ans. Quelle est la place de l’être humain dans l’univers? Quel est le sens de la vie? Comment réconcilier les périodes sombres de l’histoire humaine comme celle du fascisme, sur laquelle l’artiste s’est longuement penché, et l’existence de valeurs morales qui devraient dicter nos conduites? C’est tour à tour vers les écrits de Charles Baudelaire, Friedrich Nietzsche, Lord Byron et William Butler Yeats, parmi d’autres, que Carl Trahan s’est tourné pour orienter ses réflexions. Récemment, les artistes visuels du début du 20e siècle tels Theo van Doesburg et Hilma af Klint, qui ont souvent associé leur exploration de l’abstraction à leur quête spirituelle, ont également retenu son attention. Exposer les œuvres de l’artiste avec le patrimoine religieux collectionné par le Musée fait ressortir les échos entre les idées sous-tendant sa démarche et les interrogations des croyants.

La lumière qui perce l’obscurité est une image autant utilisée par la philosophie – le triomphe de la raison qui s’impose face à l’inconnaissable – que dans le contexte de la foi – la présence divine consolatrice qui apaise la peur de la mort. Si l’angoisse existentielle, nourrie par l’incertitude, le doute et la culpabilité, est surmontée par certains philosophes modernes qui prônent l’autoréalisation et l’autosuffisance, la religion catholique propose une autre voie. Embrasser la fragilité et la vulnérabilité de l’être humain pour faire de sa position de dépendance une force permettrait d’avancer plus sereinement. La modernité nous a dirigés vers l’autonomie suprême; ce chemin solitaire s’est parfois soldé moins par un épanouissement que par un profond sentiment de désorientation, partagé par plusieurs des auteurs cités par Trahan.

Une parcelle de météorite côtoie la forme incarnée d’un vide produit par la jonction de deux mains. L’insignifiance de la vie humaine, perçue à l’échelle de l’univers, est rendue visible par cet agencement qui ouvre l’exposition sur le ton d’une humilité inquiète. Ou d’un sentiment vaniteux de puissance, nourri par la suggestion d’une équivalence entre ces deux fragments. Ailleurs, clarté et percée jouxtent noirceur et trouée, tourbillons et phénomène de dissolution. À qui ou à quoi réfère ce soleil – cette lumière – qui darde sur nous son regard froid et sans pitié? Est-il cause d’une illumination joyeuse ou d’un aveuglement, source d’errance et de confusion? Indécision. Hésitations. Dans Comment peut-on être catholique?, le philosophe Denis Moreau affirme que le christianisme est « une puissance de contestation ou de critique de certains aspects de la modernité », peut-être parce que, dans ses mots, son commandement ultime est de vivre heureux, dès à présent. Cette tâche exigeante, plusieurs des auteurs auxquels réfère Carl Trahan peinent à l’accomplir. Gageons qu’ils ne sont pas les seuls.

Anne-Marie St-Jean Aubre
Conservatrice de l’art contemporain

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L’artiste remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada de leur soutien.


Image à la une :

Vue de l’exposition Loin de tous les soleils de Carl Trahan, 2021. Photo : Romain Guilbault


Biographie —

Né à Montréal, Carl Trahan élabore depuis 2011 un travail multidisciplinaire qui traite de la période comprise entre la révolution industrielle et la Deuxième Guerre mondiale. À partir de certains événements d’œuvres littéraires et de textes historiques – ainsi que du travail d’auteurs contemporains qui les analysent –, il aborde notamment la crise spirituelle liée aux avancées scientifiques et technologiques de la modernité, de même que ses répercussions dans la culture et la politique européennes qui ont mené aux grands conflits mondiaux.