En dialogue
Été 2023

Du 11 juin 2023 au 4 septembre 2023

À propos —

Le texte « En dialogue » décrit la thématique commune des expositions présentées chaque saison au Musée d’art de Joliette.

Le Petit Robert précise que le mot « écoute » réfère autant à l’action d’écouter (un son, une conversation, une musique, etc.) qu’au fait de prêter attention à une autre personne, à ses paroles, à son comportement, et, j’ajouterais, à ses émotions. Cette double signification traverse l’ensemble de la programmation estivale regroupant les œuvres d’Iphigénie Marcoux-Fortier et ses cocréatrices, d’Anne-Marie Ouellet et ses collaborateurs et collaboratrices ainsi que de 22 artistes du Québec, du Canada et de la scène internationale inspirés par le concept de « Deep listening » [écoute profonde] élaboré par la compositrice expérimentale américaine Pauline Oliveros. Bien que deux expositions sur trois usent abondamment de dispositifs sonores ou d’écoute comme moyens pour partager le contenu des œuvres, c’est plutôt l’attention que leurs artistes portent au potentiel de transformation et d’apprentissage propres aux expériences collectives qui les met réellement en dialogue.

L’artiste lanaudoise Iphigénie Marcoux-Fortier a invité des femmes reliées à sa région à venir partager leurs histoires et leurs conceptions du chez-nous. Un climat propice aux confidences, fondé sur la réciprocité dans l’échange ainsi que le sentiment d’être accueillie, respectée et comprise, a permis aux participantes de reconnaître leur force et d’embrasser leur vulnérabilité. L’approche horizontale adoptée par Marcoux-Fortier, qui s’inspire de « l’éthique de l’engagement sensible » formulée par Kate Nash, spécialiste des médias, valorise la voix de toutes les femmes impliquées et suscite leur engagement à tous les niveaux du projet, selon leur désir. Les stations d’écoute intime conçues par l’artiste et disposées au deuxième et au troisième étage du Musée occasionneront à leur tour de possibles rencontres et conversations entre les membres du public, assis en vis-à-vis.

L’exposition Cohésion. Une enquête sur le faire groupe propose un premier bilan de la démarche de l’artiste Anne-Marie Ouellet, qui explore depuis près de 20 ans les manières dont les individus s’assimilent ou non au groupe dans des projets qui se tiennent souvent dans l’espace public. Ses performances, qui exigent de plus en plus la participation de collaborateurs et de collaboratrices, sont basées sur des enquêtes qui génèrent une matière première partagée ensuite sous forme de récits visuels et textuels déployés dans des installations. Son intérêt pour ce qui fonde le sentiment d’appartenance et ses effets sur les individus constitue le fil conducteur à la lumière duquel l’ensemble de sa démarche est exploré à travers une collaboration avec la commissaire Véronique Leblanc. Une grande plateforme située au centre de la salle d’exposition servira littéralement de lieu de rencontre où s’organiseront des ateliers et des performances mêlant le public et les collaborateurs et collaboratrices de l’artiste afin de susciter des discussions et alimenter les réflexions.

La découverte du fait qu’il y a toujours plus à entendre que ce qu’on perçoit en premier lieu a servi d’impulsion à la quête de Pauline Oliveros, qui nous engage à développer notre capacité d’attention au quotidien. Plusieurs artistes de l’exposition, dont Hanna Sybille Müller, Julia E. Dyck et Nik Forrest, se sont librement inspirés de son œuvre pour proposer des expériences sous forme de partitions à interpréter individuellement ou en groupe afin de s’initier à sa philosophie de vie. Pour Oliveros, l’écoute est éminemment corporelle et le son, par ses qualités vibratoires et sa capacité à dépasser les limites des corps, peut agir comme fondement d’expériences relationnelles qui nous affectent tant sur le plan physique qu’émotionnel. Parce qu’elle nous invite à repenser les relations à soi, aux autres et au monde, la démarche d’Oliveros a beaucoup à nous apprendre dans le contexte actuel de crise sociale et environnementale, où l’écoute peut devenir un vecteur de transformation.

Ainsi, chacune à leur manière, les trois expositions présentées cet été au MAJ nous enjoignent à aiguiser notre sensibilité aux réalités humaines et non humaines qui nous entourent, avec l’objectif de nous aider à mieux nous comprendre pour mieux vivre, et ce, sans pour autant adopter un ton moralisateur ou impératif.

Anne-Marie St-Jean Aubre, conservatrice de l’art contemporain


Images à la une :

Julia E. Dyck, In Spite of the Score, 2022, photographie tirée d’une vidéo

© Anne-Marie Ouellet, Team building, 2021, aquarelle sur papier, 45,7 x 61 cm

© Iphigénie Marcoux-Fortier et les cocréatrice·teur·s de DEVENIR CHEZ-NOUS, 2018-2023