À propos —
Le texte « En dialogue » décrit la thématique commune des expositions présentées à chaque saison au Musée d’art de Joliette.
Choisir la collection du Musée d’art de Joliette (MAJ) en guise de thématique estivale, c’est comme insérer sa main dans un sac à surprise C’est d’abord découvrir ses forces et ses absences. C’est aussi constater que les œuvres conservées, même les plus récentes, relèvent d’enjeux liés au temps et de l’influence d’individus qui ont gravité et gravitent autour de l’institution, facilitant l’entrée ou le refus d’œuvres ou d’artefacts dans la collection.
Mais à quoi sert une collection muséale? Que nous révèle la collection du MAJ sur l’identité et l’histoire de l’institution? Quels sont ses besoins? Quelle direction pertinente lui donner aujourd’hui? Les quatre expositions présentées et l’accrochage au 3e étage explorent la collection du MAJ comme matériau, apportant des éléments de réponse à ces quelques interrogations, parmi une liste beaucoup plus étoffée. Révélatrice des idiosyncrasies de la collection du Musée et de son histoire, cette programmation participe à l’exercice réflexif en cours sur le parcours accompli et sur la trajectoire que la collection devrait suivre.
Par où amorcer un dialogue avec la collection? Rien de mieux que d’y être introduit par les personnes qui travaillent au MAJ. Chloé Desjardins, l’une des trois artistes invités à dialoguer avec la collection, a demandé aux employés de choisir un objet conservé dans nos réserves qui les anime. De nature polyphonique, l’exposition s’engage sur un terrain d’investigation créative faisant découvrir des pans insoupçonnés de l’histoire et de la collection du Musée, de sa fondation par les Clercs de Saint-Viateur à aujourd’hui.
Une collection muséale s’élabore souvent autour d’artistes d’importance – des canons de l’histoire de l’art – et de catégories héritées de la modernité occidentale. Martin Désilets nous expose justement à la tradition artistique occidentale à partir de quatre genres picturaux : le paysage, la nature morte, le portrait et, le plus récent, l’abstraction. Après avoir photographié les œuvres exposées dans les salles et installées sur les porte-tableaux du MAJ, Désilets les superpose par catégorie, exercice qui au final gomme l’unicité de chacune d’elle. Je me permets de prendre ici une grande liberté quant à l’interprétation de ce brouillage, opéré par la superposition, en soulignant qu’il prend des airs d’allégorie du révisionnisme à l’œuvre en milieu muséal, en ne donnant plus rien à voir. Ce processus complexe cherche à aller au-delà des fondations eurocentristes sur lesquelles repose le monde de l’art afin d’ériger d’autres bases plus inclusives et respectueuses des voies diverses que prend la création à l’échelle planétaire.
Enfin, l’exposition Salvifique, regroupant 26 artistes, dont un duo, met en avant une sélection d’œuvres acquises au cours des dernières années. Arrimée autour d’un certain idéal, paritaire hommes-femmes artistes, elle rend compte de la première d’une série de démarches engagées dans la diversification de la collection. Des rattrapages et des absences dans la collection, il y en a plusieurs. Les défis à relever en fonction de la réalité propre au MAJ sont grands, mais les personnes qui en ont la responsabilité sont déjà au travail.
Julie Alary Lavallée
Conservatrice des collections
Musée d’art de Joliette
Image à la une :
Vues des expositions de Chloé Desjardins, de Martin Désilets et de Carl Trahan, et de l’exposition de groupe Salvifique, au Musée d’art de Joliette, 2021. Photo : Romain Guilbault.