À propos —
Dédiée au Christ Pantocrator, représentation byzantine du Messie dans toute sa gloire, cette nouvelle chapelle conceptualisée par Moridja Kitenge Banza active les codes complexes développés par les Églises chrétiennes comme mécanique de persuasion des populations. Cette œuvre personnelle opère comme outil pour comprendre et mettre en relief le pouvoir derrière la colonisation et l’entreprise de conversion religieuse dans le monde d’hier à aujourd’hui. Elle s’attache plus spécifiquement à la réalité du Congo natal de l’artiste, aujourd’hui la République démocratique du Congo. Couleurs, composantes architecturales, iconographie et régime de la copie sont quelques stratégies conviées dans ce monde à l’image de l’artiste. Ensemble, elles font réfléchir à son identité hybride, à l’entrecroisement des histoires locales et mondialisées ainsi qu’aux stratégies susceptibles d’accroître la conviction religieuse chez les individus.
L’exposition, qui se poursuit d’ailleurs au deuxième étage, s’inspire principalement de la chapelle médiévale des Scrovegni située à Padoue, en Italie, et d’œuvres tirées du corpus d’art sacré du Musée d’art de Joliette. Pour une première fois, l’artiste intègre dans une installation in situ des œuvres réelles issues d’une collection muséale. Impulsion de départ pour cette installation, elles se prêtent au jeu et deviennent siennes. Choisies pour les liens iconographiques qu’elles établissent avec la représentation du Christ et l’univers personnel qu’elles convoquent, les œuvres sélectionnées par l’artiste sont avalées dans cette vaste réécriture de l’Histoire. Ce travail d’édification, aux diverses trames temporelles et conceptuelles, est d’ailleurs loin d’être achevé.
Encore pratiquée par une grande part de la population congolaise, la religion catholique est bien imprégnée culturellement. Inversement, elle symbolise du même coup le remplacement et la marginalisation des traditions locales. L’expansion européenne à travers le monde est le propre de chimères où les colons croyaient trouver l’Éden, ce paradis sur Terre, habité d’êtres humains vivant en communion avec Dieu. Les colonisateurs n’ont aucunement pensé aux impacts de cette vaste opération sur les populations « à civiliser ». Tenus comme étrangers à ce projet territorial sans fin et aux gains en ressources inestimables, les peuples colonisés sont devenus des exilés sur place. Aujourd’hui, plusieurs ont opté pour l’exil, contraint·e·s de vivre loin de leur pays d’origine, où l’Éden continue de générer des fabulations idéalisées.
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Biographie —
Artiste canadien d’origine congolaise, Moridja Kitenge Banza reçoit, en 2010, le 1er prix de la Biennale de l’Art africain contemporain, Dak’ArT et, en 2020, le Prix Sobey pour les arts. Son travail a notamment été diffusé en Europe (France, Danemark et Allemagne), en Afrique (Maroc et Sénégal) et au Canada. Plus récemment, le Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO), le Musée McMichael et la Fondation Phi lui ont consacré une exposition solo. Ses œuvres font partie de collections muséales (MBAM, MACM, MNBAQ, MBAC, AGO), privées et corporatives (BMO, Caisse de dépôt et placement du Québec, Canadian Shield Capital, Hydro-Québec, Mouvement Desjardins, RBC et TD Bank Corporate Art Collection).
Images à la une :
Moridja Kitenge Banza. Exilé dans l’Éden. Vues de l’exposition au Musée d’art de Joliette, 2024. Photo : Romain Guilbault